Juin 2012. Je reviens à Torgau (Saxe). J’y étais au début de l’hiver précédent et j’avais eu envie de venir en été, revoir la vieille ville, le château, les bords de l’Elbe, le paysage de bois et de champs à perte de vue.
Jeudi matin. La route par Anvers, Eindhoven, Venlo aux Pays-Bas, puis Dortmund et Kassel; enfin Göttingen. Une étape.
Jolie ville, je m’y sens totalement dépaysé déjà. L’Université, quelques maisons anciennes assez remarquables, des clochers. Plusieurs bouquinistes et libraires d’ancien, auprès desquels il reste possible de faire des trouvailles. C’est bon signe. La ville universitaire alimente ce fonds, plein de petites curiosités.
Vendredi matin. La route vers l’Est. Je choisis de ne pas prendre l’autoroute et de traverser le Harz: collines, bois et landes à perte de vue, villages essaimés, maisons anciennes. Je m’arrête devant le château de Harzgerode. Le temple évangélique est immense et clair, avec trois étages de galeries qui en font un véritable théâtre. Je descends les pentes des collines vers la plaine. Longue traversée des bois de pins. Le soir, je suis à Torgau.
La ville est calme. Trop. Personne dans les rues. Pourtant nous sommes vendredi, puis samedi. Quelques touristes, des Allemands, randonneurs, cyclistes qui suivent les bords de l’Elbe. La petite auberge que j’ai choisie est calme, l’accueil est charmant. On tente de me parler anglais: ici, seul l’allemand (ou un peu de russe) est possible. Je passe du temps au château – l’incroyable forteresse baroque, l’ancienne demeure du Grand Électeur de Saxe avant qu’il transfère sa capitale à Dresde. Montée à la tour, visite de la chapelle. Le jardin de roses sous les murs, dans l’ancien fossé, où je reste longuement à lire.
Dimanche matin. La route vers Leipzig, où j’arrive assez tôt pour pouvoir marcher dans des rues presque désertes. L’église St Thomas – l’office est en cours – est pleine à craquer; le souvenir de Bach, de Mendelssohn.
Puis, plus tard, la route vers Naumburg.
En Saxe et en Thuringe, tous les clochers de toutes les églises, sur toutes les tours, sonnent tous les quarts d’heure. Un coup pour le quart, deux coups pour la demie, trois pour les trois-quarts et quatre coups pour l’heure juste, sonnée ensuite avec le nombre de coups nécessaires. Ce qui nous mène jusqu’à seize coups à midi (ou à minuit). A Torgau, je suivais ce décompte même la nuit: il y avait le son léger d’un clocher tout proche puis, quelques secondes plus tard, le son plus grave et chantant d’un autre clocher plus lointain. Le son éloigné avait l’air de reprendre, d’une voix plus profonde, d’autorité, le premier signal. L’écho dans les rues désertes multipliait à l’infini ces coups discrets et me laissait l’impression étrange d’une succession confuse et ininterrompue de tintinnabulements, au milieu desquels il n’était presque plus possible de distinguer le signal de l’heure. A Naumburg, il est 19 heures, je suis sur la place principale et le clocher qui la borde sonne de la même façon, onze coups en tout. Il fait calme, la journée se termine. Le temps est magnifique. J’ai marché dans la ville, j’ai passé deux heures dans l’extraordinaire cathédrale, dans le cloître. Ici aussi, il y a des tilleuls en fleurs et le boulevard embaume. J’ai une chambre dans une maison, sur la colline qui domine la ville, au-delà des remparts. Ce sont des jardins, des arbres magnifiques, des villas partout, témoins d’un passé plus fortuné.
Lundi, Buchenwald, Erfurt, Eisenach.
Mardi, je rentre.
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