Écrire met une distance entre soi et ses actes. Une distance plus nette qu’entre l’acte et sa formulation verbale. On pourra alors examiner de manière plus objective ce qui a été formulé. Y revenir, corriger, dans le sens de son choix, s’y référer. Apporter au besoin quelques retouches pour en faciliter l’accès, ou mieux en dégager le sens. Écrire permet de s’écarter de sa propre pensée, de la commenter, d’en améliorer la forme, d’en aggraver le fond. Les mots ne sont plus des signaux auditifs fugaces mais des objets durables. Ce que nous produisons ensemble est de l’ordre de la recherche, de l’esquisse hésitante, imparfaite. Nous avons tous conscience que ces travaux ne sont pas des marchandises, que nous travaillons à l’élaboration et au partage des signes et du sens, et non à celle du monde économique.
Jacques SERENA, Maison des écrivains, cité par Remue.net