Un jour, je me suis mise hors de moi parce qu’une amie avait coupé pour la mettre dans un vase une belle fleur mystérieuse qui s’épanouissait sans façons sur le versant escarpé d’une montagne. La violette de Goethe1 n’éveille pas ma pitié, car elle parle allemand, mais une fleur qui ne parle aucune langue humaine ne doit être ni piétinée ni coupée pour le vase. J’ai toujours été attirée par les êtres vivants qui n’ont aucune relation, ou qui ont une relation mutilée, avec les langues des humains.
Yoko TAWADA, Trois leçons de poétique, p. 27-28