(…) Il nous vient alors l’idée sombre, exagérée certainement, que – malgré les années nombreuses à creuser notre sillon, faire des découvertes et entretenir des fidélités – personne ne nous attend. C’est certes désolant pour le commerce, mais combien réjouissant pour l’esprit: quelle liberté ! Nulle commande à honorer, nulle contrainte extérieure à observer, nulle mission à remplir, seulement le plaisir de transmettre, des textes, des œuvres, en véritables amateurs. Voilà une tâche qui ne peut guère peser ni lasser, si l’on met de côté les dures questions d’économie. Personne ne nous attend: raison de plus pour poursuivre. Mettons de côté et poursuivons.
Prospectus des éditions Le Temps qu’il fait, n°55 (2005)
A transposer dans toute pratique amateur, la formulation: « personne ne nous attend » (que nous mêmes) – « nulle mission à remplir » (sauf celle que nous nous donnons à nous-mêmes). Ce qui ne veut pas dire: rien, mais ce qui donne la mesure de l’exigence, pour autant qu’on en ait pour soi-même.