François CHENG raconte — pour nous faire entrevoir l’étymologie chinoise — que le paysan qui poussait son troupeau donnait de la voix pour le guider sur la bonne voie. La « voie » et la « voix » sont représentées par le même signe, en chinois : le TAO.
Les philosophes, inspirés par l’étymologie du mot, ont cultivé l’entrecroisement des deux sens. Coïncidence des coïncidences : en français, la voie et la voix sont homophones, faisant en quelque sorte écho au « tao » chinois.
Cette identité, la voix comme voie, trouve à s’illustrer dans la pratique du chant. Dans le parcours du souffle, dans l’organisation physiologique de la propulsion du son, – depuis l’énergie développée dans le centre dynamique formé par le ventre, au centre de gravité du corps humain, vers la tête, le visage ; jusqu’au parcours figuré, symbolique, du son, du chanteur à l’auditeur, même si cette voie-là trouve son chemin dans la totalité de la vibration de l’air.
Le Tao chinois est aussi une pensée du rapport immédiat – au sens propre – entre l’être et l’acte. Le symbole de la « bonne forme », souligne Nicolas BOUVIER, est celui du magnétisme. Être conducteur, être branché sur les grands circuits souterrains. Baigner dans ce que l’on fait. Comme disaient les vieux taoïstes et ensuite le zen : « qu’il n’y ait pas l’épaisseur d’un cheveu entre l’acte et vous-même. (Le vide et le plein, p.46)
Le travail du chant est bien cette mise en consonance avec soi-même comme avec le monde qui nous entoure, matérialisée dans la vibration, mais aussi – et ce n’est pas qu’une image, ancrée réellement dans ce rapport à la réalité de la terre, des éléments, et à la corporalité.