Il y a des centaines de silences. Il faudrait énumérer patiemment le silence banal de l’étang, celui de la maison abandonnée, le silence de l’orage lointain, de l’usine lointaine, avec leurs éclairs à voix perdue, celui de la terreur des oiseaux quand la buse est tombée comme une pierre près des taillis. Le silence du pêcheur ahuri qui a laissé choir sa montre dans la rivière et qui a soudain la certitude que l’éternité est mêlée à son humble histoire. Irons-nous chercher enfin le silence le plus sauvage sur les quais déserts d’où filent des rails rouillés par les larmes du dernier voyageur qui ne savait pas que la station était désaffectée. Ou peut-être ce sera dans la neige qui a étouffé les réveille-matin du village et surélevé le monde, charmante pour les sabots et dévorant les mal chaussés. Et les pas des enfants qui deviendront, un jour, des ancêtres oubliés.
Enfin, pour en revenir au silence, il y aurait encore à chercher ici bas l’être le plus silencieux, non celui qui ne parle jamais, pas forcément la taupe ou le butor, mais peut-être quelque paysan perdu dans un village et dont un seul geste saurait décrire pour nos coeurs le ciel étoilé, l’espoir des prairies, la jeune fille aux épaules aussi simples que la terre. Mais c’est, comme on dit, une autre histoire.
André DHÔTEL