Qu’un homme, qu’un acteur aussi fin que Fabrice Lucchini rapporte ainsi la règle d’un de ses maîtres, Louis Jouvet, aurait de quoi nous étonner. Pourtant, tout est juste dans ces citations, de Jouvet, de Bouquet, mêlées au fil de l’entretien entre Lucchini et Laure Adler (France Inter 10 octobre 2007), au point où l’on finit par ne plus savoir exactement lequel des deux il est en train de citer…
Je prends des notes.
Jouvet.
Sur le souffle: Épuisez la phrase (au sens physique du terme). Pour être comédien, il faut abdiquer l’intelligence. Ton intelligence est superflue. Il faut vivre la passion de l’acteur.
Bouquet.
C’est l’auteur qui joue la comédie. Et l’auteur ne peut pas venir la jouer sur le théâtre ! Mais c’est lui qui est en cause, c’est lui qui est l’intérêt du théâtre. L’acteur ne sert que d’intermédiaire entre la parole de l’auteur, son sentiment des choses, sa manière de voir le monde, le caractère universel de sa pensée, etc, … véhiculés par l’acteur qui les transmet, lui, au public. L’intérêt réel de l’acteur n’est pas de montrer ce qu’il en pense. C’est bien l’auteur qui joue à travers l’acteur.
Jouvet.
Le comédien s’élève, par une lente insinuation, à l’altitude du personnage dont il a la responsabilité mais qu’il n’a pas à incarner. Tu n’as pas à marcher, tu dois te mettre dans les pas, tu dois chercher dans ton travail les pas tels qu’ils ont été faits. C’est une force en mouvement.