Chanter le Kanon Pokajanen

Kanon Pokajanen – Arvo Pärt 1

Chanter le Kanon Pokajanen, c’est faire l’expérience physique du temps, une expérience presque douloureuse mais vitale : le déploiement de l’œuvre dans son temps propre nous insère dans un temps contracté, dans lequel tout repère nous est retiré. Deux heures de musique et, au bout du compte, plus rien qu’une suspension, plus rien que la fatigue illuminée, radieuse, la sensation d’un éclair qui nous aurait traversé le corps.

Pour le temps que nous pouvons à peu près compter, le temps de notre vie, celui qui passe irrémédiablement, la longue fréquentation d’une œuvre aussi importante, sur près de 10 ans, représente une part énorme. Elle établit une longue et féconde familiarité avec les formules sacramentelles, celles de cette prière de contrition que nous commençons à connaître – non pas à connaître par cœur comme on apprend un rôle au théâtre, mais à re-connaître, intimement, comme si ces paroles de pénitence dans cette langue inconnue, nous en étaient devenues si proches, que nous en percevions comme l’héritage mystérieux, presque la nostalgie d’un pays que nous aurions habité. Continuer la lecture de « Chanter le Kanon Pokajanen »

Chaque chemin est un chant

Les Aborigènes, quand ils reproduisent un itinéraire chanté dans le sable, dessinent une série de lignes interrompues par des fruits oranges. Une ligne représente une étape de voyage de l’ancêtre (habituellement une journée de vélo). Chaque fruit est un « arrêt », un « point d’eau » ou un lieu de campement de l’ancêtre.

Bruce CHATWIN, Le Chant des pistes

Gilles CLEMENT, qui rapporte cette citation dans Une brève histoire du jardin, ajoute :

Dans la culture nomade aborigène, chaque chemin est précisément décrit par un chant. En chantant son chemin, on rencontre des gens du même « rêve » que soi.

J’aime à penser aussi que chaque chant trace un chemin symbolique.

Lire aussi le CHEMIN.

Les Irlandais

Le 14 juin 2012, au stade de Gdansk, l’équipe d’Irlande est opposée à l’Espagne dans le cadre de l’Euro 2012. Les Irlandais sont battus, le score est sans appel 4-0. Vers la fin du match, quand tout est joué, que tout est perdu pour eux, les supporters irlandais – plusieurs dizaines de milliers, entonnent The Fields of Athenry. L’impression est extraordinaire. Le chant fait tout à coup irruption dans le stade et se prolonge de longues minutes, avec un pouvoir d’émotion incroyable. Je découvre quelques jours plus tard que l’UEFA a décidé d’attribuer un prix spécial aux fans irlandais qui ont été « fantastiques » durant l’Euro-2012.

The Fields of Athenry

 

 

AQUARIUS

Note: depuis 2018, l’ensemble vocal Aquarius a mis fin à ses activités. Une page – une très grande page de musique -, s’est tournée.


Depuis 2004, je chante avec bonheur dans cet ensemble qui s’appelait – à sa création, le Goeyvaerts Consort, en hommage au grand compositeur flamand, Karel Goeyvaerts. Pour des raisons assez évidentes de lisibilité internationale, l’ensemble a changé de nom et se nomme aujourd’hui Aquarius – d’après le titre du dernier grand opus de K.Goeyvaerts, auquel il consacra les dix dernières années de sa vie. L’ensemble est dirigé par Marc-Michaël De Smet.

Marc-Michaël est un de ces rares dirigeants qui défende, depuis longtemps, une vision forte et très personnelle de la pratique musicale. Il a assuré, avec passion, la promotion de la musique contemporaine (après 1950) et singulièrement de la musique flamande: celle de K.Goeyvaerts, bien sûr, mais aussi Norbert Rosseau ou Lucien Posman. Aujourd’hui, il nous avoue que son projet a évolué: il met en perspective – dans une vision globale de l’évolution rapide des formes musicales, savantes et populaires – des musiques diverses. Il aime élaborer des projets qui forment sens. Nous chantons A.Pärt [notamment le grand Kanon Pokajanen], A.Schnittke, H.Gorecki, H.Eisler, N.Rosseau, G.List, mais aussi J.Brahms, G.Verdi, L.Bernstein ou S.Barber.