Serions-nous capables — aussi — de nous projeter dans un corps dansant, d’être comme des danseurs ?
Jean-Luc NANCY, Allitérations, p. 14
Ce sont les sens qui rendent heureux, et non l’esprit spéculatif. Voilà les fondements de la culture.
Jean Giono, Les terrasses de l’île d’Elbe
Fred Poché 1 souligne la place centrale du corps.
(…) nous n’avons pas, à proprement parler, un corps, mais nous sommes, chacun, un corps. Consentir à la corporéité, c’est laisser une place à la ritualité, au « contact » avec l’autre, au consentement à l’aide que peut nous apporter autrui et que nous pouvons lui apporter. 2(…)
Tu t’es allégé ? Peux-tu déjà pénétrer dans le granit, le fer rouge, dans ton propre cadavre ?
Léger et lourd sont, comme l’ombre et la lumière, deux qualités d’un tiers principe inconnu – si nous voulons y entrer, il faut laisser notre corps en gage. (…)
Ernst JÜNGER, Graffiti, p. 78
Il y a de nombreuses années, j’ai été le spectateur émerveillé d’un ballet de Wim Vandekeybus, Le poids de la main. C’était, pour moi, d’une nouveauté totale, tant par la prise de risque que par la beauté étrange qui émanait de toutes les scènes. J’ai gardé l’écho de cette gravité – poids du corps sur le sol, poids de la main qui percute la table sonorisée et la transforme en instrument, poids des bûches que les danseurs prenaient le risque de se lancer à travers la scène.
En écho, voici la recommandation de Jacques BERQUE au jeune Jean SUR, alors étudiant, qui le questionnait sur son avenir: que dois-je entreprendre ? Augmentez votre poids spécifique.
Et encore, cette note de C.A. CINGRIA, rapportée par Bouvier (Cingria en roue libre, p. 141): Comprenez que pour écrire – signifier – il faut le poids d’abord, le poids juste qui est astral.
Ce « poids juste » est celui de notre incarnation de chanteur, de musicien, sans lequel aucune fondation ne tient et aucun élan n’est possible.