remercier les vivants
remercier
cette ombre qui me dévisage
Marc DUGARDIN, L’écoute infiniment
Dans le travail de mémoire, l’enfance occupe une place singulière. Aujourd’hui plus que jamais, mon enfance me parle d’une voix lointaine, étrange, parfois même étrangère. Il en sera question ici. Et, en écho, de bien d’autres enfances, pleines de sens.
remercier les vivants
remercier
cette ombre qui me dévisage
Marc DUGARDIN, L’écoute infiniment
Fin juin 2009, je suis allé quelques jours à Stockholm. Il faisait un temps exceptionnellement beau et chaud. Ce n’était pas mon premier voyage en Suède; j’y étais retourné quelques fois déjà, pour des réunions de travail, un rendez-vous, de très courts séjours qui ne me laissaient habituellement aucun temps libre. Cette fois-ci, c’était une sorte de pèlerinage sur les lieux où nous avions vécu, où j’avais passé quelques années de mon enfance, dans un séjour que je considère encore comme le paradis. J’ai gardé en mémoire l’adresse de cette petite maison de bois que nous habitions au début des années 60, dans la grande banlieue verte de Stockholm: 207 Hemskogsvägen à Enskede. C’est une famille avec des enfants, comme nous étions autrefois, qui y vit aujourd’hui. Je leur ai écrit, ils m’y ont invité, j’y suis allé. La maison a changé, en cinquante ans, mais à peine. Continuer la lecture de « Stockholm »
La maison de Jean est un film de Valérie Garel. Un film sur son père, Jean Garel, et sur la vie de ce moulinage dont il avait hérité, qu’il a fait tourner jusqu’à la faillite, et qui a disparu avec lui. Le film est étrange mais remarquable, cruel mais admirable règlement de comptes avec un père, avec l’enfance, avec le passé.
J’ai eu la chance de rencontrer Valérie Garel cet été 2011, au Champ la Lioure. C’était une belle rencontre, qui ne s’oublie pas.
Je déambule à travers la propriété familiale en Ardèche, où cinq générations se sont succédé à la tête de moulinages, usines textiles qui fabriquaient la soie. C’est l’hiver. Le lierre s’enroule autour des fenêtres béantes. Le constat de délabrement avancé des bâtiments est cruel. J’évoque la vie de mon père, dernier patron du lieu, nos relations houleuses, et cela dès le jour de ma naissance ! Je me promène maintenant dans sa maison. Chaque pièce respire encore sa présence et témoigne de son goût pour les agencements insolites. Au fil de la narration se dessine un portrait, qui se révèle être le dernier. [Sednafilms – 2010] – Voyez aussi le web, ici et encore là.
A la page 37 de ce captivant petit récit de Michaël Ferrier (Kizu [La lézarde], éditions Arléa), je note quelques lignes qui éveillent un écho dans le cahier que je remplissais il y a de nombreuses années.
Sans doute avons-nous tort, lorsque nous parlons de notre vie, de n’en retenir que la face la plus visible, les arêtes tranchantes, les épisodes dramatiques ou spectaculaires. Nous privilégions ce que tout le monde peut voir, ce qui est évident. Il faudrait pouvoir descendre dans l’épaisseur des jours, passer de l’autre côté de l’existence, sous l’écume des phénomènes. Etablir avec patience et minutie le décompte des séismes intérieurs, tenir le répertoire des cataclysmes inaperçus.
J’aime ce calme et patient recensement des tremblements du coeur, des sens et de l’esprit. Notre vie s’y retrouve toute entière.