Pourtant la ligne, au lieu d’être conçue dynamiquement comme la tension de sa propre avancée, peut être considérée comme ce qui, en se traçant, coupe l’espace en deux. Vue comme cela, elle est alors le vecteur de la séparation, la matrice des enclos et des frontières.
Ce qui apparaît en filigrane derrière cette double vocation de la ligne, c’est un monde de lignes qui ne délimiteraient jamais des surfaces opposées, un monde de lignes vivantes et toujours parcourues: la pelote de la connexion, l’inextricable réseau du « connecter infiniment » dans lequel Hölderlin reconnaissait l’acte même de la pensée. Un monde de particularités non divisées, mais simplement visibles et visitées, un monde sans clôtures, sans frontières, sans interdits, sans points inatteignables.
Jean-Christophe BAILLY, Le propre du langage, p. 112