Mais notre imperceptible passage sur la terre, dont il ne reste que des fragments insignifiants, il me semble parfois, mais seulement parfois, qu’avec notre faculté d’imaginer les milliards d’existences depuis la préhistoire jusqu’à aujourd’hui et au-delà, nous en vivons en fait un nombre illimité, de vies. Jusqu’à nous projeter comme des astronautes dans l’éternité.
Rosetta LOY, La première main, p. 185
Cette phrase qui clôt le récit autobiographique de R.Loy m’évoque une référence dont j’ai le souvenir, imprécis, et que j’ai perdue. Un autre extrait donc, ailleurs, sur les vies rêvées, toutes les vies possibles, ces innombrables potentialités qui se sont ouvertes à chaque étape de notre vie, ces voies que nous aurions pu suivre et que nous n’avons pas suivies et dont l’abandon, plutôt que le choix, a forgé petit à petit ce qui est aujourd’hui notre destin. Nous vivons notre vie à défaut de toutes les autres, qui pourtant nous sont rendues, par l’écriture, dans la fiction. Sans doute est-ce là le moteur le plus sûr de notre passion de lire et d’écrire.