Un lundi matin, à Lucca, en Toscane. La ville que je traverse, tôt le matin, déjà vivante mais encore vacante. Et puis la colline, abrupte, où sont les vignes, les oliveraies.
Enfin le retour, de nuit déjà, fatigué, épuisé par cette longue journée. Je suis à l’aéroport de Pise, j’attends l’annonce du vol, plongé dans la lecture de P.Bergounioux, Le premier mot, ce magnifique récit de l’origine du dire et de l’écrire. Soudain, je lève les yeux et le profil très doux mais presque inquisiteur d’une jeune fille vient se ficher dans mon champ de vision, avec ce qui pourrait ressembler à une certaine insistance, une manifestation volontaire. Elle a pour moi, subitement, une présence très forte. Elle est occupée à lire, complètement absorbée. Et elle lira, pendant tout le voyage, des choses sérieuses – de la psycho, de la philosophie.
J’ai noté ce jour-là qu’il y a des reconnaissances possibles entre des êtres qui partagent la même passion de connaître. Mais souvent les circonstances sont si peu propices et si étrangères à ce qui fait sans doute la richesse du monde intérieur qui nous habite et à ce qui ferait la magie d’une rencontre, qu’elles n’en offrent presque pas l’éventualité, sans risquer de les ramener à quelque chose de bien ordinaire. Ce que le mystère que je perçois n’autorise pas.
[30 octobre 2002]