Dans la vie d’un homme la quantité d’émotions assimilable par lui n’est pas infinie. Beaucoup même arrivent bientôt au bout. Plus grave, l’éventail de ce que tu peux ressentir n’a qu’une ouverture limitée. A grand-peine, avec de grands risques ou avec de la chance ou beaucoup de ruse, tu arriveras un peu plus quelquefois à l’ouvrir, quelque temps. Mais l’éventail de la nature est ainsi fait que, si tu n’y veilles constamment, il rétrécit bientôt sans cesse jusqu’à se fermer.
Henri MICHAUX, Poteaux d’angle, p.45
Ma note: Bien sûr, la pratique artistique accorde au praticien une forme de familiarité avec l’espace des émotions, qui peut apparaître, aux autres, comme un avantage, un don, ou plus simplement une expertise virtuose. Je pense surtout qu’elle maintient ouvert l’éventail, le plus largement et le plus longtemps possible. Ce ne sont ni ruse, ni chance, mais une attention constante, un éveil permanent.
Ma note 2: Ce petit recueil [Poteaux d’angle] est passionnant de bout en bout. A lire.
Ma note 3: Le poteau d’angle, c’est aussi celui de Philippe Jaccottet, dans un très beau texte [Notes nocturnes].