Accompagner le son

Souvent, pour obtenir la souplesse du déroulé, le soutien d’une phrase, en évitant toute crispation, j’ai utilisé – pour moi, ou suggéré – pour les chanteurs, un geste.

C’est un geste d’accompagnement, de sollicitude : on tend le bras, la main, on tourne le haut du corps, comme pour accompagner une personne, la guider avec courtoisie, avec la précaution dont on peut entourer une personne âgée ou affaiblie. Mais c’est la phrase musicale qu’on incarne ainsi et qu’on guide, à côté de soi, à qui l’on ouvre le passage, …

L’essentiel, c’est que ce geste figure explicitement le déroulé de la phrase musicale en dehors de soi-même, l’objective totalement et, en même temps, nous y attache dans un geste de précaution attentive. La posture est, immédiatement, celle du lâcher-prise.

Je vois aussi dans ce geste la figure du danseur, dans un pas de deux dont la/le partenaire serait la phrase musicale. Les chanteurs s’y trouvent dans un rapport souple de distance et d’accompagnement qui s’avère extrêmement efficace pour la qualité de l’émission vocale et pour la musicalité de l’ensemble.

Accompagner

Claude LEFORT, dans une conférence qu’il a donnée le 17 novembre 2007, rappelle: dans toute démarche herméneutique, dans tout travail d’interprétation (d’un texte, d’un programme, d’une injonction,…), nous devons renoncer au projet de maîtriser le texte mais plutôt choisir l’accompagnement de sa signification. Il nous faut accompagner le sens et non vouloir le maîtriser.

Par analogie, je travaille sur ce geste d’interprétation: accompagner la ligne musicale et non pas vouloir en prendre possession. Physiquement, il est très important de figurer le geste de l’accompagnement, quand le bras s’arrondit pour laisser le passage, ou quand le bras s’offre pour accorder le pas, … etc.
Constamment , je reprends ce travail de l’accompagnement : ne prenez pas votre voix en otage, ne cherchez pas à maîtriser le son ou la musique, mais ayez simplement ce geste d’accueil, de soutien, … La sonorité de l’ensemble en est transformée. Mais – en répétition, et souvent ! – il faut absolument le geste.