L’étranger

L’étranger, qui est-ce ? Il n’y a pas ici de définition suffisante. Il vient du dehors. Il est bien accueilli, mais selon les règles auxquelles il ne peut s’astreindre et qui de toute manière le mettent à l’épreuve – au seuil de la mort. Lui-même en tirera la « morale » qu’il exposera à de nouveaux venus: « Vous apprendrez aussi qu’il n’est pas facile de cesser de l’être. Si vous regrettez votre pays, vous trouverez ici chaque jour plus de raisons de le regretter; mais si vous parvenez à l’oublier et à aimer votre nouveau séjour, on vous renverra chez vous où, dépaysé une fois de plus, vous recommencerez un nouvel exil. »

Maurice Blanchot, Après coup, pp. 94-95 < Cité par J.F. Rey in Altérités [Les RV d’Archimède, 1998] p. 27

La lettre au ministre

jeanne_moreauEn 2009 – il y a donc si longtemps ! – Paula Albouze, une citoyenne française, a écrit à un ministre de l’époque, disparu depuis lors de l’horizon politique, en charge d’un ministère qui a heureusement disparu lui aussi, une lettre qui a fait le tour de la toile. Elle a été présentée par A. Mnouchkine à la Cartoucherie, elle est lue ici par Jeanne Moreau. Si je la publie à mon tour, aujourd’hui, c’est pour qu’on se souvienne de cette lettre admirable. Elle rend justice à l’humanité. Aujourd’hui encore, la devise de la République, Liberté, Égalité, Fraternité, reste de l’ordre du projet. C’est pourquoi cette lettre est devenue intemporelle, son actualité ne se dément pas.

Ecoutez:

Accompagner

Claude LEFORT, dans une conférence qu’il a donnée le 17 novembre 2007, rappelle: dans toute démarche herméneutique, dans tout travail d’interprétation (d’un texte, d’un programme, d’une injonction,…), nous devons renoncer au projet de maîtriser le texte mais plutôt choisir l’accompagnement de sa signification. Il nous faut accompagner le sens et non vouloir le maîtriser.

Par analogie, je travaille sur ce geste d’interprétation: accompagner la ligne musicale et non pas vouloir en prendre possession. Physiquement, il est très important de figurer le geste de l’accompagnement, quand le bras s’arrondit pour laisser le passage, ou quand le bras s’offre pour accorder le pas, … etc.
Constamment , je reprends ce travail de l’accompagnement : ne prenez pas votre voix en otage, ne cherchez pas à maîtriser le son ou la musique, mais ayez simplement ce geste d’accueil, de soutien, … La sonorité de l’ensemble en est transformée. Mais – en répétition, et souvent ! – il faut absolument le geste.

Accueillir

François CHENG nous rappelle que la posture d’accueil selon Lao Tze s’exprime dans cette formule magnifique: être le ravin du monde. J’ai noté par ailleurs – du même Lao Tze, cette recommandation, pleine de sens: Aider ce qui vient tout seul.

Et dans le constat de Maurice CHAPPAZ, il y a tout un programme : Je voulais construire au lieu d’accueillir.