Nous vivons dans un bouleversement perpétuel où les civilisations s’entrecroisent, ou des pans entiers de culture basculent et s’entremêlent, ou ceux qui s’effraient du métissage deviennent des extrémistes. C’est ce que j’appelle le chaos-monde.
On ne peut pas agir sur le moment d’avant pour atteindre le moment d’après. Les certitudes du rationalisme n’opèrent plus, la pensée dialectique a échoué, le pragmatisme ne suffit plus, les vieilles pensées de systèmes ne peuvent comprendre ce monde. Je crois que seules des pensées incertaines de leur puissance, des pensées du tremblement où jouent la peur, l’irrésolu, la crainte, le doute, saisissent mieux les bouleversements en cours. Des pensées métisses, des pensées créoles.
Edouard GLISSANT, Le Monde2, 31-12-2004