J’ai noté un jour la leçon de G.STEINER [Errata, p.26] qui explique qu’aucun texte, même difficile, ne résiste à la lecture à haute voix.
Si je n’avais pas compris tel ou tel passage – les choix et les suggestions de mon père étaient à dessein destinés à me passer au-dessus de la tête – je devais lui en faire la lecture à haute voix. Souvent la voix éclaire un texte. Si le malentendu persistait, je devais copier de ma main le fragment en question. Sur quoi, il livrait généralement son filon.
L’injonction de la « copie à la main » éveille aussi cet écho:
Le copiste doit en effet être considéré avant tout comme un lecteur, et même comme l’unique vrai lecteur du texte, puisque la seule lecture qui conduise à une pleine appropriation du texte est l’acte de la copie; le seul moyen de s’approprier un texte consiste à le recopier. C’est pourquoi l’on ne copie pas n’importe quel texte. Et c’est également pourquoi la diffusion de la photocopie (…) s’est avérée constituer le principal obstacle à la lecture, le principal antidote contre la lecture. Avec les photocopies, nous sommes malheureusement devenus de simples lecteurs potentiels: nous savons que nous pourrons lire n’importe quand ce que nous avons reproduit en un instant, de manière fulgurante (…).
Luciano CANFORA, Le copiste comme auteur, in Conférence n°13, p.215 ss
J’ajouterais cependant qu’à l’inverse, un texte mal écrit, creux, inintéressant, ne résiste pas longtemps à la lecture à haute voix, encore moins à la copie.