Visions lunaires du désert sous la grande aile. Une lune qu’éclairerait un soleil matinal. La terre est ridée, vide, lourde, lourdement innocente, unie. Dès que vient l’eau vient l’homme, le morcellement, le patchwork universel des campagnes. Couleur verte et ocre du partage. Une route file droit dans le damier. Vu d’en haut, l’homme est discret, sympathique: un humble jardinier, une grosse et industrieuse musaraigne qui a fait des trous, des murets, des dessins.
Jean-Christophe Bailly, Phèdre en Inde, p. 72
Je me souviens précisément d’une image semblable, captée – sur le même trajet, à travers le hublot de l’avion qui me ramenait de Katmandou: en survolant l’Asie centrale, au petit matin, les plissages de montagnes désertiques de ce qui devait être l’Iran ou l’Est de la Turquie, pays inconnus pour moi, paysages où je n’avais aucun repère qui, de plus, vus depuis la plus haute altitude, étalaient, sur des centaines de kilomètres, le réseau de leurs vallées asséchées, les nervures de feuilles sèches de leurs plateaux. Je n’aurais rien tiré d’une photographie: l’exiguïté du hublot, la fugacité du point de vue, m’en dissuadaient. Mais j’en garde l’image étonnante.