Marc Dumont, dans un article sur l’excellent site EspacesTemps attire notre attention sur de fatales confusions:
Sémantique, tout d’abord : en effet, le terme de démocratisation est utilisé dans tous les cas cités comme un synonyme ― c’est-à-dire un terme qu’il est possible de substituer à un autre ― de celui de « popularisation » ou de « généralisation ». Est-ce parce que le premier des deux est trop connoté idéologiquement ― le « peuple », bien peu actuel dans une société d’individus ? Quoi qu’il en soit, la démocratie correspond bien à une équation ― «δήμος dēmos + -κράτος, kratos» ―, suffixe absent dans l’idée de généralisation ou de popularisation. La généralisation ― ou démocratisation du terme ! ― est-elle par ailleurs aussi anodine que cela ?
On touche ici une seconde confusion d’ordre beaucoup plus théorique à laquelle nous allons maintenant nous attacher, entre une réalité et son discours, entre le politique et son expression, entre le pouvoir et le discours sur le pouvoir, par un habile tour de passe-passe.
La démocratie ne renvoie donc pas seulement au dēmos, au peuple, mais surtout à l’idée de gouvernement et au pouvoir. Lorsqu’on dispose d’un caméscope ou d’un mobile connecté 24h/24 sur internet, cela nous rend certainement conforme à l’ensemble des pratiques d’achat et de consommation moyennes des citoyens d’un pays, cela ne nous rend pas pour autant dotés d’un pouvoir ― à moins d’être celui d’un pouvoir d’achat, mais l’idée politique contenue dans la démocratie disparaîtrait du même coup, le pouvoir d’achat n’étant pas en lui-même directement lié à l’exercice d’une capacité politique (sinon de manière indirecte, à l’occasion d’une manifestation publique contre son explosion, par exemple).