Misère et splendeur de la traduction

Cada pueblo calla unas cosas para poder decir otras. Porque todo sería indecible. De aquí la enorme dificultad de la traducción: en ella se trata de decir en un idioma precisamente lo que este idioma tiende a silenciar. Pero, a la vez, se entrevé lo que traducir puede tener de magnífica empresa: la revelación de los secretos mutuos que pueblos y épocas se guardan recíprocamente y tanto contribuyen a su dispersión y hostilidad; en suma, una audaz integración de la Humanidad.

Chaque peuple tait certaines choses pour pouvoir en exprimer d’autres. Parce que tout dire serait se condamner au silence. D’où l’énorme difficulté de la traduction, dont tout l’effort consiste précisément à exprimer dans une langue donnée ce sur quoi cette langue tend à faire silence. Mais, simultanément, on pressent la magnificence de cette entreprise: la révélation des secrets que les peuples et l’histoire chérissent réciproquement et qui contribuent tellement à leur séparation et à leur hostilité mutuelle. En quelque sorte, il s’agit d’une audacieuse intégration de l’humanité.

José ORTEGA Y GASSET, Miseria y esplendor de la traducción.[cité par Nicholas EVANS, Ces mots qui meurent. Les langues menacées et ce qu’elles ont à nous dire]

Pour chaque langue que tu connais, tu deviens un homme nouveau.

Proverbe tchèque

Plus tard [février 2015], je note: Il est intéressant de mesurer l’ouverture d’un pays aux influences étrangères, sa capacité à intégrer la diversité, au flux de traduction des œuvres étrangères.


Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiss nichts von seiner eigenen.

Goethe, Sprache in Prosa.

L’événement pur

L’événement pur de la voix, c’est l’expérience de la différence de chaque voix, elle-même jouxtée à la différence de chaque discours, c’est l’expérience qui consiste à donner consistance au commun, en tant qu’il est justement division, multiplicité, égarement, prodige.

Jean-Christophe BAILLY, Phèdre en Inde

Diversité I

Des ambiguïtés du mot « diversité ».

Eric Hazan rappelle que les promoteurs de la « charte de la diversité » (Institut Montaigne, Claude Bébéar)  sont soutenus par Yazid Sabeg, Président de l’entreprise de télécoms CS (Communications et systèmes), spécialisée dans les systèmes de surveillance sophistiqués, d’application essentiellement militaire !

 

Le mot a la même ambiguïté que « multiculturalisme » : on prône la diversité, ce qui ne dérange évidemment personne, et dans le même mouvement on justifie que « l’accueil et l’ouverture », soient mis en oeuvre diversement selon cette diversité — la « lutte contre toutes les formes de discrimination » étant le paravent rhétorique habituel. Prôner le multiculturalisme dans une société rongée par l’apartheid rampant, se féliciter de la diversité alors que l’uniformisation et l’inégalité progressent partout, telle est la ruse de la LQR.

Eric Hazan, LQR La propagande du quotidien, 2006, pp. 46-50

L’idée de pluralité

Le respect de la diversité, c’est-à-dire l’idée de la pluralité, est à situer au centre du projet politique à bâtir. Qui dit pluralité dit altérité : hélas, nous ne sommes ni éduqués, ni préparés à cela. Être responsable de la responsabilité de l’autre, selon la formule de Levinas, ne signifie pas un abandon aux illusions idéalistes. (…) Il est donc nécessaire que l’écologie politique favorise les transformations personnelles en éduquant chacun à l’autonomie et à la complexité, car comme le soulignait Edgar Morin : comment songer à améliorer durablement les relations au plan planétaire si nous sommes incapables de transformer nos relations individuelles et donc de nous transformer nous-mêmes ?

Jacques Robin, L’écologie politique et le 21e siècle (2e partie).