La gare d’Angoulême n’a vraiment rien de remarquable. J’y passe, je m’y arrête quelquefois. J’aime me rendre à Angoulême, au moins pour le temps que je prends, quand c’est possible, à déambuler une heure ou deux dans la vieille ville, haut perchée, dans le soir tombant. J’ai des souvenirs d’arrière-saison, froide et ensoleillée, dans des rues tranquilles: rares passants, quelques voitures, échanges de paroles qui résonnent entre les murs des vieux immeubles. Un matin, cependant, très tôt, avant d’embarquer dans le petit train régional qui devait me conduire vers ma destination finale, je marque le pas devant une stèle dressée à proximité immédiate de la gare. Ce n’est pas un monument ancien, la pierre est brillante encore, la gravure du texte commémoratif porte un or tout neuf1. C’est un granit rose, fiché dans une dalle de béton, au bord de la rue qui monte vers la ville. Continuer la lecture de « Angoulême »
Étiquette : effroi
La porte des parents
Écrire, c’est l’enfant qui se relève en pleine nuit et qui est dans la désolation de se découvrir seul et peut-être même abandonné et peut-être depuis toujours. Et cet enfant désolé et effrayé sort de sa chambre, traverse le couloir et va frapper à la porte des parents. Écrire, c’est le bruit que fait la main de l’enfant contre le bois de la porte des parents en pleine nuit.
Christian BOBIN dans un entretien avec Colette Fellous (France Culture, Carnet nomade, 9 mars 2008).
En écho, je note les derniers mots de J.B.PONTALIS dans Le Dormeur éveillé. C’est ici l’évocation de la même nécessité angoissée, de la même urgence, du même pas tremblant de l’enfant dans le silence nocturne.
Peut-être n’écrit-on jamais de livres, même les livres les plus sombres, les plus tourmentés, que pour éviter d’être précipité dans notre enfer, que pour tenter de civiliser cette sauvagerie que le cauchemar révèle crûment sans l’écran protecteur du rêve.
Des mots, des images, des traits, tout plutôt que le cri surgi de la détresse et de l’effroi, ce cri d’un enfant perdu que personne au monde n’entend.
Le bonheur
Il y a quelque chose de fondamentalement heureux dans le simple fait d’être au monde et par carence, par insuffisance de l’être, on l’oublie.
Nicolas BOUVIER, Routes et déroutes
Être heureux, c’est pouvoir prendre sans effroi conscience de soi-même.
Walter BENJAMIN, Sens unique