Toujours on parle de l’attrait de « l’inconnu », et ce produit continue à se vendre fort bien. Mais c’est pour les paresseux ça : l’inconnu. On ne dit pas comme dans la répétition, le mystère grandit. La femme à laquelle vous êtes retourné dix mille fois : voyez comme elle s’enténèbre et se multiplie. Le bosquet qui vous plaisait tant est devenu forêt domaniale, où il faut semer des cailloux blancs pour ne pas se perdre. Pour moi elle s’est tellement étendue que même au sommet de ma voix je ne parviens presque plus à m’y faire entendre. Chaque matin il y a de nouvelles lieues à parcourir sur ce seul visage, et des provinces entières dont je ne sais encore rien.
Nicolas BOUVIER, Le vide et le plein, p. 182