Si je veux être en sécurité, c’est-à-dire protégé du flux de la vie, je veux être séparé de la vie. Néanmoins, c’est ce véritable sentiment de séparation qui m’empêche de me sentir en sécurité. Être en sécurité signifie isoler et fortifier le » je », mais c’est justement la sensation d’être un « je » isolé qui me fait me sentir seul et m’effraie. En d’autres termes, plus je serai en sécurité, plus j’en aurai besoin.
Pour le dire encore plus clairement : le désir de sécurité et le sentiment d’insécurité sont la même chose. Retenir sa respiration revient à perdre son souffle. Une société fondée sur la quête de la sécurité n’est rien d’autre qu’une compétition de rétention de respiration, dans laquelle chacun est aussi tendu qu’un tambour est aussi rouge qu’une betterave. Nous recherchons cette sécurité en nous fortifiant et en nous enfermant de toutes sortes de manières. Nous voulons nous protéger en étant « exclusif » et « spécial », nous cherchons à appartenir à l’église la plus sûre, à la meilleure nation, à la plus haute classe, à la bonne coterie et aux gens « comme il faut ».
Ces défenses nous divisent, et mènent donc à davantage d’insécurité nécessitant davantage de défenses. Évidemment, tout cela est pétri de la certitude de sincère que nous nous comportons bien et vivons de la meilleure manière ; mais cela aussi est une contradiction.
Alan W.Watts, Eloge de l’insécurité (cité sur Périphéries)