Lorsque le bûcheron pénétra dans la forêt avec sa hache, les arbres se dirent : ne nous inquiétons pas, le manche est des nôtres.
Pierre MARCHAND
Lorsque le bûcheron pénétra dans la forêt avec sa hache, les arbres se dirent : ne nous inquiétons pas, le manche est des nôtres.
Pierre MARCHAND
[Ce post fait suite à L’expressivité du sensible, L’expressivité du sensible II]
Il est intéressant de noter que, à partir du travail du mouvement dans la pleine conscience du corps, s’installe une trace. Elle s’inscrit progressivement – dans la mémoire corporelle, dans l’écoute individuelle et collective. La répétition n’est plus alors un espace de reproduction technique, mais se vit comme une expérience répétée, renouvelée, d’expressivité, qui inscrit cette trace : trace de mobilisation du système nerveux, trace émotionnelle, trace de sens. C’est bien là pour moi l’enjeu véritable du travail répétitif.
Il est question du rapport au corps / à sa liberté / à son expressivité. Qui modifie complètement l’expression musicale, la qualité, l’émotion, et donc la transmission. Là tout se joue.
Le Monde diplomatique a la bonne idée, avec les éditions LLL (Les Liens qui libèrent), de publier dans une petite collection (Prendre parti) une série de textes majeurs, parus depuis 60 ans dans le mensuel.
Je découvre 3 textes de André GORZ:
Le premier date de 1974, il y a exactement 40 ans. Le deuxième de 1990 et le troisième de 1993. Les titres sont suffisamment explicites. Ils sont tous les trois d’une extraordinaire actualité, leur lecture est revigorante. Je les lis et relis. Et vous les recommande, toutes affaires cessantes.
La curiosité est une vertu d’homme libre et non de courtisan. Elle implique un éveil permanent pour lutter contre la torpeur, l’habitude, l’inertie, la faculté de toujours se laisser surprendre et la conscience de n’en avoir jamais fini avec le savoir, qui, lorsqu’on s’en approche, nous révèle ce qui reste à découvrir; la capacité aussi de prendre des risques: risque de rompre avec des certitudes, de se déstabiliser, de déranger, de troubler l’ordre convenu des choses. Paradoxalement cette pulsion, si largement partagée, est aussi le signe de ce qu’il y a de singulier en l’homme: chercher à savoir au-delà des connaissances élémentaires indispensables à sa survie et de ce qui semble strictement nécessaire. Il y a là une apparente inutilité proche de la gratuité. Comme toute passion, la curiosité pose la question des limites, justement parce qu’elle est sans limite. S’il y a un élan, une ampleur dans le désir de savoir, celui-ci trouve écho dans le geste du passeur: faire savoir et laisser découvrir, découvrir et dépasser, acquérir et transgresser.
Nicole CZECHOWSKI, La curiosité. Vertiges du savoir, Autrement, n°12, 1993.