Un écrivain possède une petite voix publique. Il peut s’en servir pour faire quelque chose de plus que la promotion de ses œuvres. Son domaine est la parole, il a donc le devoir de protéger le droit de tous à exprimer leur propre voix. Parmi eux, je place au premier rang les muets, les sans voix, les détenus, les diffamés, par des organes d’information, les analphabètes et les nouveaux résidents qui connaissent peu ou mal la langue. Avant d’être amené à m’intéresser à mon cas, je peux dire que je me suis occupé du droit à la parole de ces autres-là.
Ptàkh pìkha le illèm: « Ouvre ta bouche pour le muet » (Proverbes/Mishlé 31,8). Telle est la raison sociale d’un écrivain, en dehors de celle de communiquer: être le porte-parole de celui qui est sans écoute.
Erri de LUCA, La parole contraire.