Le regard-plume

Je termine 1797. Pour une histoire météore de Anouchka Vasak. Un objet délectable, aux éditions Anamosa – dont on ne peut que recommander le catalogue. En exergue de sa Conclusion, elle insère une superbe citation de Peter Handke (Les Innocents, moi et l’inconnue au bord de la route départementale).

Handke, dans sa propre traduction en français, conserve les mots et les locutions de l’allemand. Les voici – avec le plaisir de ressentir presque physiquement à l’énoncé, la finesse synthétique et tellement évidente de la langue allemande.

Tellement qu’on est près d’oublier – mais elle revient en force dès la fin de la lecture – l’extraordinaire poésie de cette liste de consignes pour observer les oiseaux !

MOI
Qu’est-ce qui est essentiel pour observer les oiseaux ?

L’INCONNUE
Le regard inné pour tout ce qui est dru – für alles was Flügge ist. Le regard-éventail. Der Fächerblick. Le regard-bordure. Der Säumblick. Le regard-bourrasque. Der Windwellenblick. Et avant tout, le regard-plume. Le regard pour tout ce qui est emplumé. Der Gefiederblick.

Retour à Dresde

Depuis 2013, je reviens à Dresde chaque printemps. D’une année à l’autre, le temps peut varier énormément. En ce début mai 2017, il fait froid et gris. Le soleil perce à peine quelques jours, quelques heures.

La route m’est devenue familière : Anvers, Eindhoven, Venlo, le très long contournement des villes de la Ruhr, Duisburg, Dortmund, puis le grand élan pour couvrir les 150 derniers kilomètres vers Kassel et pour atteindre enfin mon étape à Warburg. La petite ville est étonnante, perchée sur son coteau, les rues escarpées, l’église, le château.

Le lendemain, je suis en route vers Dresde et je passe ma deuxième nuit dans un petit hôtel de Reichenberg. L’église, tout à côté, sonne les heures, les demies, les quarts. Elle est très ancienne, entourée d’un cimetière où je passe beaucoup de temps à examiner les tombes et à enregistrer d’incroyables oiseaux chanteurs.