La marche des Marines

Où il est question du Paradis – et de ce qu’on y chante !

Dans le film de GODARD, Notre musique – 3e partie: Royaume III, le Paradis apparaît comme un jardin, une nature très verte, mais assez froide, peu accueillante. Il est occupé par des Marines américains en uniforme de parade (col marin, calot) qui gardent les limites du royaume, derrière une grille/un grillage plutôt, au bord de l’eau — qui doit être celle d’un lac dans lequel trempent les branches des arbres les plus proches. On entend la marche des Marines :  Les Marines américains/des États-Unis gardent les rues du Paradis. Un message qui se veut rassurant. Bigre !

En écho, Giovanni BORGOGNONE cite Robert KAGAN, dans un article très éclairant, publié par la revue Conférence (n°29, 2010) sous le titre « L’anti-européanisme des Américains »: Pour le vieux continent, la meilleure chose serait donc d’accepter le « prix du Paradis », c’est-à-dire la présence d’une Amérique forte et même hégémonique. 

Le Paradis

Christian BOBIN, dans ce livre magnifique consacré à Emily Dickinson (La dame blanche, p. 117), cite la poétesse américaine:

Chacun de nous prend le paradis dans son corps ou l’en retire, car chacun de nous possède le talent de vivre.

Et Anne PERRIER, en exergue de son très beau recueil La voie nomade (La Dogana, 1986), donne aussi la parole à E.Dickinson:

Et pour occupation, ceci:
Ouvrir bien grandes mes étroites mains
Pour ramasser le Paradis.


Christian BOBIN, encore lui, note avec justesse [La dame blanche, p.68]:

Le paradis est l’endroit où nous n’aurons plus besoin d’être rassurés.

Et Roger MUNIER, cité par P.A.Tâche [Carnets 1989-1990, in Conférence n°32, p. 98]:

Le paradis, c’est peut-être de n’être pas, le sachant. Inexprimablement le sachant.

Lire André Dhôtel

Je trouve absolument magnifique cette citation de Roger Vitrac, qu’André Dhôtel place en exergue de son roman Lumineux rentre chez lui.

Livre ornement
mains du moment
livre ton mal à bon escient
les paradis sont patients

Il faut lire (ou relire) Dhôtel: il y a chez lui une attention au réel qui le rend tout à fait inédit, absolument magique. Ce n’est pas de la fantaisie, encore moins de la naïveté, c’est simplement un guide pour regarder autour de nous et percevoir, enfin, le monde tel qu’il est: dans son incroyable réalité. Continuer la lecture de « Lire André Dhôtel »