Chanter le Kanon Pokajanen

Kanon Pokajanen – Arvo Pärt 1

Chanter le Kanon Pokajanen, c’est faire l’expérience physique du temps, une expérience presque douloureuse mais vitale : le déploiement de l’œuvre dans son temps propre nous insère dans un temps contracté, dans lequel tout repère nous est retiré. Deux heures de musique et, au bout du compte, plus rien qu’une suspension, plus rien que la fatigue illuminée, radieuse, la sensation d’un éclair qui nous aurait traversé le corps.

Pour le temps que nous pouvons à peu près compter, le temps de notre vie, celui qui passe irrémédiablement, la longue fréquentation d’une œuvre aussi importante, sur près de 10 ans, représente une part énorme. Elle établit une longue et féconde familiarité avec les formules sacramentelles, celles de cette prière de contrition que nous commençons à connaître – non pas à connaître par cœur comme on apprend un rôle au théâtre, mais à re-connaître, intimement, comme si ces paroles de pénitence dans cette langue inconnue, nous en étaient devenues si proches, que nous en percevions comme l’héritage mystérieux, presque la nostalgie d’un pays que nous aurions habité. Continuer la lecture de « Chanter le Kanon Pokajanen »

Austérité ou sobriété ?

Étrange et inquiétant aveuglement de nos gouvernants – à moins que ce ne soit pur cynisme, de mener une politique destructrice d’austérité2, qui vise à priver les citoyens des pays européens de l’essentiel, à réduire voire à supprimer ce qui rend la vie possible (le soin, les soins, l’éducation, la culture, la solidarité, …), plutôt qu’une politique raisonnée de sobriété, qui viserait précisément à réduire voire à éliminer tout ce dont nous n’avons pas absolument besoin, tout ce qui est superflu, qui n’est pas essentiel à notre vie. Chaque jour apporte confirmation de cet aveuglement, de cet égarement fatal, qui risque de nous conduire tous au désastre irréversible d’une violence sociale que plus aucune promesse ne pourra contenir.

J’ajoute plus tard [février 2015]: il est intéressant de noter que les mots ne sont pas innocents. En allemand, le mot Schuld est à la fois la faute et la dette. La dette est une faute à expier. Pas étonnants l’incompréhension, le choc culturel entre l’Europe du Sud – solaire – et l’Allemagne – protestante et rigoureuse.

Je note encore: Pierre Rhabi parle depuis longtemps déjà de sobriété heureuse. Mais bien sûr !