Kanon Pokajanen – Arvo Pärt
Chanter le Kanon Pokajanen, c’est faire l’expérience physique du temps, une expérience presque douloureuse mais vitale : le déploiement de l’œuvre dans son temps propre nous insère dans un temps contracté, dans lequel tout repère nous est retiré. Deux heures de musique et, au bout du compte, plus rien qu’une suspension, plus rien que la fatigue illuminée, radieuse, la sensation d’un éclair qui nous aurait traversé le corps.
Pour le temps que nous pouvons à peu près compter, le temps de notre vie, celui qui passe irrémédiablement, la longue fréquentation d’une œuvre aussi importante, sur près de 10 ans, représente une part énorme. Elle établit une longue et féconde familiarité avec les formules sacramentelles, celles de cette prière de contrition que nous commençons à connaître – non pas à connaître par cœur comme on apprend un rôle au théâtre, mais à re-connaître, intimement, comme si ces paroles de pénitence dans cette langue inconnue, nous en étaient devenues si proches, que nous en percevions comme l’héritage mystérieux, presque la nostalgie d’un pays que nous aurions habité. Continuer la lecture de « Chanter le Kanon Pokajanen »