Accompagner

Claude LEFORT, dans une conférence qu’il a donnée le 17 novembre 2007, rappelle: dans toute démarche herméneutique, dans tout travail d’interprétation (d’un texte, d’un programme, d’une injonction,…), nous devons renoncer au projet de maîtriser le texte mais plutôt choisir l’accompagnement de sa signification. Il nous faut accompagner le sens et non vouloir le maîtriser.

Par analogie, je travaille sur ce geste d’interprétation: accompagner la ligne musicale et non pas vouloir en prendre possession. Physiquement, il est très important de figurer le geste de l’accompagnement, quand le bras s’arrondit pour laisser le passage, ou quand le bras s’offre pour accorder le pas, … etc.
Constamment , je reprends ce travail de l’accompagnement : ne prenez pas votre voix en otage, ne cherchez pas à maîtriser le son ou la musique, mais ayez simplement ce geste d’accueil, de soutien, … La sonorité de l’ensemble en est transformée. Mais – en répétition, et souvent ! – il faut absolument le geste.

Dans la répétition

Toujours on parle de l’attrait de « l’inconnu », et ce produit continue à se vendre fort bien. Mais c’est pour les paresseux ça : l’inconnu. On ne dit pas comme dans la répétition, le mystère grandit. La femme à laquelle vous êtes retourné dix mille fois : voyez comme elle s’enténèbre et se multiplie. Le bosquet qui vous plaisait tant est devenu forêt domaniale, où il faut semer des cailloux blancs pour ne pas se perdre. Pour moi elle s’est tellement étendue que même au sommet de ma voix je ne parviens presque plus à m’y faire entendre. Chaque matin il y a de nouvelles lieues à parcourir sur ce seul visage, et des provinces entières dont je ne sais encore rien.

Nicolas BOUVIER, Le vide et le plein, p. 182