L’acte de lecture est un acte fort de création, qui sollicite immédiatement et sans désemparer, l’imaginaire, le rêve,… Alors que le jeu multimédia, à l’instar de la télévision, ouvre sur un espace virtuel préformaté. Cet acte de création individuelle est un acte de liberté. Georges Steiner, dans sa conférence à l’ULB (Bruxelles, le 8 novembre 2004) positionne la liberté créative du lecteur contre la servitude de la reproduction stérile des langages formatés. Mais il est clair que cet espace individuel de liberté peut être ressenti comme risqué (par les sujets), comme dangereux (par le politique). Le trop célèbre et grotesque épisode dit « de la Princesse de Clèves » n’en est qu’une nouvelle illustration.
Michèle PETIT, dans son très bel Eloge de la lecture [La construction de soi], 2002, l’exprime en d’autres mots:
Nous avons besoin du lointain. Quand nous grandissons dans des univers confinés, ces fugues peuvent être vitales. Et pour tout un chacun, elles étayent l’élaboration de l’intériorité et la possibilité même de la pensée. Comme disait Montaigne, « nous pensons toujours ailleurs ». L’agrandissement de l’espace extérieur permet un agrandissement de l’espace intérieur. Sans cette rêverie qui est fuite du proche, dans des ailleurs illimités dont la destination est incertaine, il n’est pas de pensée.